DE LA REUSSITE INDIVIDUELLE AU CHEMIN D’INDIVIDUATION
de Jacques FERBER et Véronique GUÉRIN – Revue de psychologie de la motivation. 2004 – N° 37
La question de la réussite se pose avec acuité au début de la vie active comme à la fin de la vie : le jeune adulte se pose la question au futur : vais-je réussir ma vie ? Vais-je avoir de la réussite dans le domaine professionnel ? Vais-je avoir du succès en amour ? Et d’une manière générale vais-je atteindre le bonheur ? Inversement, pour celui ou celle qui atteint le bout du chemin, qui fait face à la dernière tenture, comme dans la chanson de « My Way », cette question se conjugue au passé : Qu’ai-je fait de ma vie ? De quoi a-t-elle été remplie ? La réussite a-t-elle été au rendez vous ?
La réussite : un concept connoté
La question même de l’évaluation de la réussite à venir ou passée est révélatrice d’une manière de voir, d’un système de valeurs. De nos jours, qu’est-ce qui caractérise le terme de réussite ? S’il concerne plus particulièrement la vie professionnelle, sociale, publique, il englobe également la vie affective, privée, familiale. Celui qui réussit est présenté comme un battant, qui a su mettre en valeur et utiliser au mieux ses compétences et ses atouts. Il a obtenu en retour une reconnaissance sociale et du succès grâce à ses qualités personnelles : détermination, charisme, persévérance. Telle est la vision lumineuse de la réussite qui nous fait parfois oublier son pendant, son ombre dont elle est inséparable : le spectre de l’échec qui se profile et nous fait craindre de rater notre vie, pire d’être un raté !
Car chercher à être dans un système de « réussite », c’est se situer dans un espace de succès et d’échec. Dans cet espace, il y a les gagnants et les perdants. Tant pis pour ceux qui échouent, tâchons de réussir ! Et comme cela n’a pas l’air évident pour tout le monde, les manuels de réussite sont là pour nous aider : « Comment réussir sa vie ? », « Dix règles pour réussir sa vie », « Comment réussir sa vie privée et professionnelle ? »… Ils nous expliquent qu’il faut se donner des buts clairs et s’y tenir, avoir confiance en soi, être de bonne humeur, savoir créer un réseau de « gagnants» et éviter de trop fréquenter les « perdants », pratiquer la pensée « positive » et surtout avoir confiance en soi. En d’autres termes, si vous voulez réussir, il existe des méthodes qui sont à la portée de tout le monde. Il suffit d’avoir le mode d’emploi, et on peut réussir sans trop se remettre en question.
Mais cette préoccupation de la réussite a-t-elle toujours été si présente dans la vie de chacun ? En fait, elle s’avère très récente : en 2002, dans un numéro de l’Express, Vincent de Gaulejac, sociologue à Paris VII explique : « Nous sommes passés d’une société obéissante, où l’on demandait aux gens d’être ponctuels et disciplinés, à une société d’action. Aujourd’hui, chacun est supposé mobiliser ses ressources internes pour réussir. »
En fait, chaque époque définit ses critères de réussite, ou plus exactement chaque époque définit la manière même dont les individus appréhendent cette satisfaction d’eux-mêmes, cette valeur d’accomplissement de soi (self achievement), qui se traduit à notre époque, par la notion de réussite.
Par exemple, dans la première moitié du vingtième siècle deux valeurs se sont affrontées : les valeurs de réussite sociale, et celles de conformité à un idéal d’homme ou de femme « honnête », essentiellement fondées sur la morale chrétienne. Puis, la morale chrétienne diminuant d’importance, ce sont les valeurs de réussite qui ont pris le devant. Mais depuis une vingtaine d’années, de nouvelles valeurs ont émergé : elles rattachent l’accomplissement de l’individu non plus à l’idée de réussir, mais à celle de la réalisation de soi en relation avec les autres et le monde. Pour expliciter cette idée, nous proposons de présenter un cadre de pensée particulièrement puissant et encore peu connu en France car ces travaux n’ont pratiquement pas été publiés dans notre langue. Il s’agit de la Spirale Dynamique (traduction libre de Spiral Dynamics) de Graves, reprise et développée par Beck, Conward et Wilber notamment.
La spirale dynamique
Pour Graves, les valeurs fondamentales des êtres humains, qu’on se place sur le plan individuel ou collectif, évoluent le long d’une » spirale via des niveaux de conscience ou étapes de développement. Chaque niveau constitue un point de vue à partir duquel le monde « réel » est appréhendé, un ensemble de filtres perceptuels et conceptuels constituant le mode de pensée et d’action, l’habitus, dirait Bourdieu, caractéristique de ce niveau. De ce fait, ces différents niveaux produisent des réalités (la réalité se trouve d’abord dans nos représentations) qui indiquent à chacun les comportements appropriés à suivre en fonction de la situation présente. Selon Graves, ce modèle de développement des systèmes bio-psycho-sociaux, prend en compte l’ensemble des dimensions de l’être humain. Chaque étape, apporte de nouveaux éléments qui servent de points d’appui pour le passage éventuel à la phase ultérieure.
Les deux premiers niveaux sont :
- le niveau instinctif dont la valeur essentielle est celle de la survie (satisfaction en termes de nourriture, chaleur et sexe) et pour laquelle on ne peut pas encore parler d’individu,
- le niveau tribal dont la valeur essentielle est celle de sécurité. Ce dernier est caractéristique d’un ordre fondé sur les relations familiales et sur un comportement magique, que l’on retrouve aussi bien dans le vaudou que dans les équipes sportives ou les gangs mafieux.
Pour ces deux premiers niveaux, le moi n’est pas encore véritablement développé. Aussi, la question de la réussite de la vie ne se pose pas vraiment.
Les trois niveaux suivants (égocentrique, conformiste et individualiste), voient le Moi émerger de l’inconscient collectif.
- le niveau égocentrique, correspond à l’affirmation du moi dans un monde hostile. C’est le niveau des dieux de pouvoirs, dont Zeus et Thor donnent un bon exemple. C’est l’émergence de l’individualité impulsive, que rien n’arrête, dans un monde où règne la loi du plus fort, où seuls les plus forts survivent et où les faibles deviennent esclaves.
- le niveau conformiste met l’accent sur le collectif en considérant qu’il faut se conformer à des règles issues d’une autorité transcendante, Dieu unique tout puissant ou règle absolue. C’est le règne de l’Ordre, qui définit un code de conduite fondé sur l’absolutisme, sur ce qui est bien et ce qui est mal. C’est le mode de fonctionnement des grandes hiérarchies paternalistes, des grandes églises religieuses ou des grandes administrations jacobines, qui définissent un ordre hiérarchique définit par Dieu ou par un Idéal tout puissant.
- le niveau individualiste, introduit l’ordre de la raison et de la science. Une chose n’est plus bonne ou mauvaise, mais juste ou fausse. L’univers est considéré comme une vaste machine qui suit des lois éternelles, ces dernières pouvant être comprises par une démarche rationnelle et expérimentale. Surtout, il devient manipulable : on peut agir sur le monde et sur les autres êtres à condition de connaître leur fonctionnement. De ce fait, le monde est un vaste jeu d’échec plein d’opportunité pour les projets individuels qu’on se donne. C’est le royaume du succès social fondé sur une démarche individuelle. C’est typiquement la philosophie des Lumières, qui met en avant les qualités de l’individu rationnel, dont tout le comportement est fondé sur la réussite personnelle dans un cadre permettant la concurrence et la compétition la plus « juste » possible. L’économie moderne est entièrement fondée sur ces principes.
À l’issue de cette étape, le Moi qui émerge est unilatéral et soucieux de tout maîtriser règne en maître absolu. L’évolution qui s’en suit est une réintégration de la relation et du collectif. Il s’agit du niveau relationnel. Ce n’est plus la famille tribale, ni la nation ou l’église du niveau conformiste mais une communauté de relation, de partage des affects et des sentiments. C’est le lieu du relativisme, de la subjectivité et du ressenti ou toute justification passe par « c’est juste puisque c’est ce que je pense et ce que je ressens », mais l’autre est libre de penser et de ressentir autre chose. Il n’y a plus de Bien ni de Vrai absolu comme au niveau conformiste. Chaque vérité est relative à celui qui l’a énoncée. Toute hiérarchie est vécue comme une dominance insupportable. C’est le lieu des cercles de parole, des groupes de thérapie, et d’une manière de toutes les communautés fondées sur le partage et l’expression des ressentis où la pensée n’est plus rationnelle, mais subjective.
C’est un niveau fondamental dans l’évolution car c’est le premier niveau qui intègre la diversité et la tolérance. L’autre peut être différent de soi, et on se doit de respecter cette différence, voire même d’éprouver de l’empathie.
Cette étape essentielle termine le premier cycle de développement et ouvre la porte au deuxième cycle plus systémique et intégrateur. En effet, dans la logique de la Spirale Dynamique, les niveaux du premier cycle ont ceci de particulier qu’ils considèrent que seul leur point de vue est valable. Par exemple, le niveau conformiste considère évidemment qu’il n’existe qu’une seule manière de procéder, la sienne, car il existe une seule vérité qui lui est donnée par un Autre transcendant. De même pour l’égocentrisme, qui projette sur le monde son propre point de vue « on est soit des arnaqueurs soit des arnaqués (pour ne pas dire plus…) « et qui donc pense que toutes les autres manières de voir ne sont là que pour tenter de l’escroquer. Et ceci est vrai pour tous les autres niveaux.
En revanche, la particularité du deuxième cycle de la spirale, c’est justement de prendre en compte et d’intégrer les qualités des niveaux du premier cycle en les considérant comme des vérités partielles, tout en ayant conscience de leurs limites. On peut s’inspirer des qualités morales du conformisme, de la capacité à s’affirmer du niveau égocentrique, de la chaleur des liens familiaux du niveau tribal, de l’importance de la raison du niveau individualiste et de la tolérance du niveau relationnel. D’où l’appellation de ce premier niveau du deuxième cycle : le niveau intégrateur.
À ce niveau, l’individu s’affirme, agit, prend sa place en relation avec les autres, sans être noyé dans les relations qu’il entretient avec eux ni être pris dans une inflation du moi (Jung), ou dans l’auto-aveuglement (Diel). La notion fondamentale est celle de fluidité, de souplesse et d’adaptation. Rigueur et relation, raison et émotion tentent de cohabiter sereinement et de se nourrir mutuellement. On peut même parfois avoir recours à la force pour se protéger si l’on est en danger, mais sans agressivité inutile contre l’autre. Dans le domaine professionnel, si les entreprises capitalistes fonctionnent essentiellement sur un mode conformiste-individualiste, et les associations – notamment les ONG – sur un mode relationnel, les entreprises du commerce équitables sont caractéristiques du niveau intégrateur: elles jouent le jeu du commerce mais sans en appliquer les valeurs fondamentales de compétitivité et de manipulation de l’autre.
Après le niveau intégrateur, le deuxième cycle de la spirale présente un autre niveau, le niveau holiste, difficile à décrire et à penser et dont nous ne parlerons pas ici.
De la réussite à la quête de sens
Dans la perspective de la spirale dynamique, la manière d’accomplir sa vie dépend du niveau de développement dans lequel nous nous situons. Si notre perspective se situe au niveau magique/animiste, il n’y a pas de réussite individuelle puisque le moi n’est pas encore suffisamment développé. Au niveau égocentrique, la réussite individuelle qui vient tout juste de sortir de la matrice magique, passe par le statut de chef : est ce que j’ai été fort ?
Au niveau conformiste, réussir sa vie c’est être d’abord et avant tout une personne honnête, qui remplit bien ses devoirs et respecte la loi et les interdits édictés par l’institution religieuse ou par l’état. C’est l’accomplissement de l’homme pieux, de la femme dévouée, du fonctionnaire fidèle, de l’élève modèle. Au niveau individualiste, l’accomplissement passe par la réussite individuelle que l’on obtient grâce à un moi fort comme les manuels de réussite nous le proposent.
Mais aujourd’hui, la réussite prend de plus en plus le sens d’une quête de sens, d’une recherche de bonheur ou d’une « pulsion spirituelle » comme l’appelait Paul Diel, qualités caractéristiques des niveaux relationnel et intégrateur. Comme le signale le journaliste à la fin de l’article déjà cité de l’Express : « Même les accros de la réussite ont des états d’âme. Et s’interrogent sur le sens de la vie. [..] Les expressions “projets de vie” et “quête de sens” reviennent souvent dans leur discours.» Comme si la quête de soi remplaçait petit à petit l’aspiration à la réussite sociale. Comme s’il fallait surtout réussir… à trouver le bonheur ».
Ainsi l’évolution actuelle, ressentie par nombre de nos contemporains, tend à réintégrer la relation et la prise en compte d’autrui dans l’accomplissement de sa vie, pour entamer ce que Jung appelait un chemin d’individuation. Nous sommes à un tournant : les valeurs individualistes où les relations sont fondées sur la compétition, l’exaltation du moi et la domination ne nous conviennent plus car elle nous plongent dans la solitude, la peur et la méfiance.. Nous aspirons à un accomplissement personnel fondé au moins sur les valeurs communautaires et même mieux sur le niveau intégrateur où l’accomplissement personnel ne s’oppose plus à celui d’autrui. Soi-même et Autrui ne s’opposent que dans un monde de compétition et de rivalités. La plupart des situations (couple, famille, voisinage, profession..) nécessitent bien plus une capacité à coopérer qu’une capacité à se battre !
Aider à l’accomplissement de chacun
Mais comment aider chacun, et surtout les enfants, à entrer dans cette nouvelle époque, à vivre dans un chemin d’individuation susceptible de nous aider à prendre soin de nous-même, d’autrui et de la planète ? D’abord, il est clair que la prise en compte de l’intériorité de chacun, et de la relation à l’autre sont fondamentaux pour dépasser les valeurs « modernes » dominées par l’intérêt individualiste et l’objectification de la nature et des êtres humains.
Mais une tendance actuelle, la tendance « post-moderne » risque de nous bloquer au niveau communautaire, par la croyance que la relation à l’autre et l’amour seront suffisants pour amener le monde et chacun d’entre nous vers plus de paix. Le deuxième cycle de la spirale montre que la notion d’accomplissement de soi passe par l’intégration des autres niveaux, et notamment par la loi et le dialogue, par l’affirmation de soi et l’ouverture à l’autre. Les lois sont en effet importantes pour que chacun puisse se sentir en sécurité et respecté. Le dialogue sans la loi tourne vite au vœu pieux et à l’impuissance, la loi sans le dialogue risque la brutalité, l’immobilisme et l’injustice. Leur présence simultanée invitent chacun à prendre le risque de grandir et de s’affirmer, de s’accomplir dans l’ouverture et la présence et non pas uniquement dans le combat.
Prendre soin de soi et des autres s’apprend. Il ne suffit pas d’avoir l’âge dit de raison pour entretenir des relations fructueuses et sereines avec autrui. Trop souvent, lorsque l’enfant blesse l’autre par inadvertance ou intentionnellement, on le gronde à coups d’arguments raisonnables et moraux sans pour autant l’aider à progresser. Il ne viendrait à personne l’idée de dire à un enfant de cinq ans « Regarde, c’est facile de lire, il suffit de le vouloir ! ». Il nous faut intégrer que les compétences relationnelles nécessaires au développement et à l’accomplissement de sa vie s’apprennent et s’interroger sur ce qui peut aider l’enfant à grandir non pas envers et contre tout mais avec ce « désir essentiel » de trouver Sens et Joie dans la vie que nous propose Paul Diel.
Favoriser le chemin d’individuation
Comment peut-on favoriser, dans la petite enfance cet équilibre dynamique et serein entre l’attention à soi-même et l’attention à l’autre, c’est-à-dire aider les enfants à entrer dans les valeurs du niveau intégrateur ?
Lorsque l’enfant naît, il a besoin de recevoir amour et soins de son entourage pour survivre mais également pour prendre confiance en lui et dans la vie de façon profonde. En d’autres termes on doit mettre en avant les qualités positives des niveaux tribal et égocentrique.
Un manque d’empathie de l’entourage, ou des attitudes en décalage avec les capacités de l’enfant (surprotection ou exigences excessives) peuvent engendrer une piètre estime de soi et une méfiance profonde envers la vie. Ce peu d’amour envers soi-même va freiner l’ouverture au monde, à l’inconnu et à autrui. Il est difficile d’accorder de la valeur à autrui et au monde lorsqu’on se croit nul et peu aimable. Le désir de réussite risque alors de s’incarner plus comme un désir de revanche, une quête éperdue d’amour et de reconnaissance que comme un chemin d’individuation progressif et serein.
L’enfant grandit, son monde s’élargit. Ses facultés physiques et cognitives lui permettent de devenir progressivement plus capable d’attendre, d’anticiper, de se mettre à la place de l’autre, et de lui reconnaître des droits et des besoins. Il doit apprendre à canaliser sa vitalité pour qu’elle puisse trouver sa puissance et son expression en relation avec autrui. Pour encourager ce développement relationnel, il convient dans l’éducation de se focaliser non seulement sur la confiance en soi et la réussite individuelle mais également sur l’attention à l’autre. Si l’enfant est éduqué uniquement selon des valeurs du niveau individualiste-relationnel, avec un entourage répondant à tous ses besoins (parfois même avant qu’il n’ait pu expérimenter le manque !), et lui évite les frustrations par peur de le blesser, l’enfant reste le centre du monde et risque fort de devenir un tyran. Les règles, valeurs positives du niveau conformiste, sont structurantes et responsabilisantes sous réserve qu’elles aident l’enfant à passer progressivement d’un rapport de soumission à la loi édicté de l’extérieur, figé et d’ordre divin à l’intégration d’une règle vivante, intériorisée, évolutive, facilitant le vivre ensemble.
De fait, l’enfant grandit dans la relation. C’est par la rencontre avec l’autre qu’il découvre ce qui l’en différencie et fait sa singularité mais aussi ce qui l’en rapproche et fait son humanité. De récentes études font émerger [Toczek, Martinot 04] l’impact de la relation sur les apprentissages et la réussite. Les relations entre les élèves mais également entre frères et sœurs [Ruffo 03] freinent ou stimulent la curiosité et l’ouverture à l’autre et au monde. Cette dimension qui a été complètement oblitérée jusqu’à aujourd’hui gagnerait à être mieux appréhendée par les parents et les enseignants pour que les réussites individuelles puissent se côtoyer et se nourrir au bénéfice de la planète et de la vie.
Conclusion
Nous avons pu voir que la notion de réussite s’incarne différemment selon le niveau de développement d’un individu ou d’une société. Actuellement, nous vivons une époque dans laquelle nous prenons conscience des limites et des dégâts sur l’individu (dépression, stress, solitude, perte de sens..) et sur l’état du monde et de la planète d’une survalorisation de la raison et de la réussite individuelle (niveau individualiste). En conséquence, les valeurs du niveau relationnel se développent et expliquent l’essor actuel des engagements citoyens, associatifs et spirituels. Aujourd’hui, l’enjeu consiste à sortir de l’opposition entre ces deux niveaux individualiste et relationnel, et entre développement du Moi et développement du respect et de l’amour de l’autre. Pour cela, il nous faut travailler à intégrer ces deux pôles complémentaires : affirmation et relation, soi et autrui, individuel et collectif. Le terme de réussite ne convient dès lors plus parce qu’il se réfère uniquement au résultat et s’inscrit dans une logique de compétition. Si comme nous le rappelle Gandhi, « la fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence », le terme de chemin d’individuation est plus approprié. Il décrit de façon plus juste le développement de conscience qui intègre soi et l’autre, la raison et l’émotion, la loi et l’amour.
Bibliographie
M-C Toczek, et D. Martinot, Le défi éducatif, Ed Armand Colin, 2004
G. Véronique, A quoi sert l’autorité ? Ed Chronique sociale, 2001
M. Rufo, Frères et sœurs une maladie d’amour, 2003