À quoi sert l’autorité ?
Telle est la question qui taraude l’auteure depuis son enfance et alimente régulièrement sa réflexion. Elle retrace ici quelques jalons saillants de l’évolution de l’autorité en Occident : l’autorité réduite à son aspect répressif, l’émergence de l’autorité bienveillante puis le glissement vers l’éducation positive.
Cette fresque met en exergue des pistes envisageables pour une autorité qui prend soin et ouvre à l’altérité.
L’autorité est d’abord une expérience vécue dans l’enfance, celle d’être soumis.e à une autorité qui limite les comportements. Je me souviens des interrogations que cela soulevait en moi, mais mes questions étaient qualifiées d’impertinentes et recevaient, en réponse, au mieux un soupir
exaspéré, au pire, un regard dur et une injonction musclée de me taire.
Toute tentative de faire évoluer les règles était vécue comme une menace. J’étais tétanisée face au courage (la folie ?) d’Oliver, dans le film Oliver Twist (1948), lorsqu’il traverse l’immense salle à manger de l’orphelinat pour demander « Puis-je avoir plus de soupe s’il vous plaît ? ». Je me souviens des visages terrifiants des adultes ulcérés par cette demande et de la punition ultime, le renvoi.
Encore aujourd’hui, je reste étonnée de l’incohérence éducative qui veut, par exemple, enseigner le respect par la violence : « Je te frappe mais tu n’as pas le droit de frapper ». Je me souviens de mes révoltes, de ma solitude, de la peur au ventre, des stratégies de manipulation pour tenter de tracer ma voie envers et contre tout. J’ai appris à sortir en cachette et à mentir avec assurance pour éviter les réprimandes. Je contenais le volcan qui brûlait en moi pour rester en zone protégée. Et sans cesse revenait la question : « L’autorité est-elle condamnée à être brutale et humiliante ? ».
Pour tenter d’y répondre, j’entrepris des études de psychologie et d’éducation spécialisée. Je dévorai des ouvrages qui me confortaient dans l’intuition qu’une autre autorité était possible : Benjamin Spock, Alexander S. Neill, Thomas Gordon, Alice Miller, Benoîte Groult et bien d’autres encore. Je cherchais activement des allié.es pour m’accompagner dans ma quête de sens. Chaque réflexion qui résonnait avec mon intuition me procurait une joie indicible : je n’étais plus seule, je n’étais pas folle. D’autres avançaient sur ce chemin à mes côtés.
La promulgation de lois encourageait également cette réflexion : l’ordonnance de 1945 qui reconnait le besoin de protection des enfants ayant commis un délit ou encore l’adoption par l’Assemblée nationale en 1970 de la loi qui confère l’autorité parentale aux deux parents. Cependant, sur le terrain, les pratiques évoluaient peu, l’autoritarisme et la maltraitance restaient monnaie courante. C’est de ce constat qu’est né mon élan d’écrire un ouvrage pour clarifier l’essence de l’autorité et donner des éléments concrets pour l’exercer. C’est ainsi qu’en 2001, le livre À quoi sert
l’autorité ? S’affirmer, respecter, coopérer est publié aux éditions Chroniques Sociales.
Qu’est-ce que l’autorité?
L’autorité est définie comme « le pouvoir d’imposer l’obéissance » dans l’intention de mettre de l’ordre et de clarifier les devoirs et les droits de chacun·e en fonction de leur place.
Pour avoir voyagé dans des pays où le code de la route est inexistant ou peu respecté, je me souviens que toute mon attention était mobilisée pour faire le bon choix au bon moment, dans une cacophonie de klaxons. Je savoure
aujourd’hui la détente qu’apporte une loi juste et adaptée : pouvoir traverser au feu rouge dans un passage protégé, en toute sécurité (ou presque !). Il est parfois reposant d’obéir.
Cette autorité est le reflet d’une vision du monde hiérarchisé. Le pouvoir de l’exercer est conféré à des personnes ayant un statut spécifique, les fonctionnaires de police en l’occurrence. De façon plus large, cette autorité venue d’en haut est appliquée dans tous les domaines de la société pour contenir les comportements qui mettent en danger la personne elle-même, les autres ou les valeurs de la société. Elle permet d’arbitrer des conflits, lors d’un divorce, d’un héritage, d’un conflit de voisinage, évitant ainsi
une escalade de la violence. Cependant cette autorité à sens unique et sans
contre-pouvoir est souvent exercée de façon arbitraire ou pour appliquer des lois injustes ou discriminatoires. Elle est de plus en plus décriée car portant en son sein l’abus de pouvoir. Cette posture autoritaire est aujourd’hui qualifiée d’autoritarisme, voire de maltraitance.
Lire l’article de Véronique Guérin
Parution dans Alternatives non-violentes • Numéro 212 • Sept. 2024